Une histoire liée aux moines
C'est en se promenant notamment, dans la vieille ville que l'histoire atypique du Cannet resurgit. La commune porte d'abord le joli nom d'Olivetum, en raison de ses cultures d'oliviers, implantées par les romains. Une importante route, la voie Julia (hommage à la fille de l'empereur Auguste), passe alors par les collines, et sa trace est encore visible de nos jours.
Entre 400 et 410, le moine Honorat accompagné de Caprais et de quelques autres compagnons, s'installe sur l'île Lérina en quête de solitude. Rejoint par une foule de disciples, Saint-Honorat fonde une communauté -où les moines mènent « la vie commune »-qui devient dès 427 un immense monastère. Puis les moines de Lérins héritent de Guillaume Gruetta, fils cadet de Rodoard, comte d'Antibes, du port de Cannes.
C'est en l'an mille que le Cannet connaît les prémisses de sa naissance. Une seule pensée obsède alors l'âme de nos ancêtres : « Acquérir d'avance des droits à la clémence de Dieu, car la fin du monde est proche ». Le meilleur moyen d'y parvenir est de faire donation aux églises et aux maisons religieuses de tout ou partie de son patrimoine, principalement des terres cultivables. Le monastère de Lérins profite reçoit alors de nombreuses terres cannettanes. La plus ancienne mention du Cannet figure ainsi dans un acte du 19 janvier 1282 par lequel, le sacriste-major de Lérins a donné à Olivier Isnard de Mougins, une terre sise sur le lieu du Cannet.
Les familles fondatrices
Reste pour les moines à faire cultiver et prospérer ces terres. Au XVe, le roi René, comte de Provence, décide d'une politique d'immigration avant de rattacher notre région à la couronne de France, pour exploiter les terres abandonnées sur près d'un siècle en raison des ravages et épidémies. les moines manquant de main-d'œuvre, choisissent d'aller en Italie, plus particulièrement dans leur fief du Val d'Oneille pour ramener au Cannet 140 familles surnommées « les Figons ». Les quartiers du Cannet portent encore leurs noms : Ardisson, Calvy, Dany, Gourins...
Sur la place Bellevue, au cœur du vieux-Cannet, « l'oranger du patrimoine », fresque monumentale réalisée par B. Amooghli Saraf en 1990 représente l'arbre généalogique des 140 familles fondatrices du Cannet dont les noms figurent sur des carreaux de grès émaillé.
Sylvestre Calvy, lotisseur
En 1441, Dom André de Plaisance, Sacriste major et infirmier de Lérins, donne en emphytéose à Sylvestre Calvy, dit « Poireau », plusieurs terres appelées de l'Infirmerie. L'infirmier de Lérins avait en particulier comme attributions la direction, à Cannes, d'un hospice "Hôpital des pauvres". Cette institution bénéficia de nombreux dons souvent constitués de terres, parmi lesquelles celles dites de l'Olivette, futur site du Cannet.
Cette transaction peut être considérée comme l'acte de pose de la première pierre du futur habitat à l'origine de la naissance du Cannet. En effet, Sylvestre Calvy s'est comporté dans cette affaire comme une sorte de « lotisseur », avec pour mission d'attirer ses compatriotes de la Rivière de Gênes en leur rétrocédant des lots provenant des nombreuses terres qui lui avaient été données.
Des hameaux à l'esprit de clocher
Simples fermes à l'origine, l'habitat va se développer autour des points d'eau formant de petits hameaux entourant les terres de culture. En 1490, on dénombre 20 habitants. Les 10 hameaux ("forest") en provençal ont naturellement pris le nom de leurs fondateurs. Le cadastre de 1599 fait ainsi apparaître différentes appellations : les Ardissons, les Calvys, les Cavasses, les Danys, les Gallous, les Gazans, les Gourrins, les Perrissols, les Pissarels, les Sardous... Ainsi regroupés par patronymes, ces centres de vie familiaux s'agrandissent rapidement, par adjonction de nouvelles constructions massées autour du noyau primitif.
Cette dispersion de l'habitat va procurer aux Cannettans autant d'avantages que d'inconvénients. Lors de la peste de 1579, alors que Cannes perd la moitié de sa population en quatre mois, le Cannet ne compte que quelques morts, grâce à l'isolement possible des hameaux. En revanche, au moment des invasions, la ville indéfendable oblige les Cannettans à fuir.
Pour autant, la population continue d'augmenter et au milieu du XVIème siècle, l'édification de l'église Sainte-Catherine, inaugurée le 6 mars 1556, cimente un esprit de clocher « Cannettan ». Les rapports entre « la ville » -Cannes-, et les « hameaux » -Le Cannet- commencent à se détériorer. Les difficultés de coexistence entre les deux secteurs ont des origines multiples : mentalités, modes de vie, intérêts matériels et moraux diffèrent totalement. Malgré la sentence prononcée le 21 décembre 1587 par l'Abbé de Lérins qui accorde aux Cannettans une certaine autonomie administrative, avec la création d'un consul et d'un « regardateur », la situation conflictuelle ne cesse de croître et augmente pendant encore près de deux siècles, car l'autonomie administrative ne sera jamais complètement appliquée.
La séparation de Cannes
A partir de 1730, les Cannettans réclament leur indépendance. Un « Mémoire pour les habitants du Cannet contre la communauté de Cannes » est rédigé. Les raisons développées en faveur de l'indépendance cannettane sont au nombre de quatre (territoriales, administratives, financières et sociales) et s'appuient notamment sur la distinction entre les habitants du bord de mer (Cannes), qui sont des pêcheurs et des commerçants, et ceux des terres intérieures (le Cannet) qui sont des agriculteurs.
Il faudra attendre 1746 pour que soit accordé aux Cannettans le droit d'être représentés par un troisième consul et un auditeur des comptes. Ces requêtes défendues par l'avocat Preire finiront par aboutir à l'indépendance du Cannet. Ainsi, par un arrêt du Conseil d'Etat du 9 Août 1774, Louis XVI leur accorde le droit de s'ériger « en corps de communauté distinct de celui de Cannes ». Autrement dit, il acte la séparation des terres du Cannet et celles de Cannes, constituant deux entités administratives distinctes. Les Cannois font appel de cette décision. Jacques Turgot, intendant des finances, oblige alors le parlement de Provence à enregistrer l'arrêt du Roi le 29 Janvier 1777.
A compter de cette date, notre commune va se développer vers Cannes au sud, et au nord vers Mougins, dont le démembrement en 1845, apporte au Cannet 400 ha et les limites actuelles.